Une épicerie bio dans le sud du massif du Vercors, à peine quinze habitants au km2, à Saint-Martin, 378 âmes, au pied du plateau d’Herbouilly ? «Vous êtes sûr», murmurent les incrédules. Et bien, oui, elle l’a fait. Elle, Dominique Parein, une liane au caractère bien trempé surgie il y a vingt-deux ans des brumes industrielles dunkerquoises, « son fils sous le bras». Une hyperactive devenue conseillère municipale, «parce qu’on ne peut pas que dire, il y a des moments où il faut agir », et qui préside également aux destinées des Martinades, l’association de culture et loisirs locale. Dans ce haut lieu de mémoire qu’est Saint-Martin-en-Vercors, où la République française fut restaurée le 3 juillet 1944, La Saponaire incarne la résistance aux diktats de la consommation.

Créée en 2005, l’épicerie occupe désormais les pièces en enfilade du rez-de-chaussée
de la maison jouxtant la mairie. À l’ombre du tilleul de Sully, l’arbre monumental et multi-centenaire qui domine le parvis de l’église Saint-Martin et la place du village. La boutique, véritable caverne d’Ali Baba, grande comme un mouchoir de poche, «ma grotte», savoure Dominique, est approvisionnée chaque mercredi matin, à l’aube, en légumes et fruits frais par Relais Vert, un grossiste bio, et aussitôt prise d’assaut : «Vous verrez, le mercredi matin, on n’a pas une clientèle de bobo, c’est un joyeux bazar. On a des familles, c’est très populaire. L’épicerie, c’est un lien social, avec des gens qui caquètent, qui s’interpellent… »

Avant de fonder La Saponaire, Dominique Parein a enchaîné les petits boulots, travaillé pour le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement du Vercors et pour une maison d’édition de Lans. Un licenciement économique plus tard, elle sait qu’elle ne veut plus subir «les décisions d’au-dessus», crée son entreprise et met en route son deuxième enfant : «Des copains venaient faire tourner la boutique. J’étais là avec mon bébé dans le Maxi-Cosi pour chapeauter le tout. Ce réseau d’amis, c’est un petit cocon qui fait qu’on se sent bien et, ici, il y a plein de petits cocons comme ça. C’est agréable d’être dedans.»

 

 

 

La boutique est née d’un besoin. Celui des consommateurs bio du Vercors «obligés de descendre» pour s’approvisionner à Romans-sur-Isère, Saint-Marcellin, voire Valence : «Il y avait pas mal de demandes.» Dominique démarre avec l’épicerie sèche et les produits d’entretien écologiques pour professionnel et particuliers: «Ça tombe sous le sens ici.» Des éleveurs se servent chez elle. Confortée par ces premiers succès, elle élargit son offre. Ce qui la motive: rendre l’épicerie accessible à tout le monde. Elle réduit au maximum sa marge sur les fruits et légumes quitte à ce que ce ne soit pas rentable. Un choix.

 

 

L’épicerie est certifiée bio depuis trois ans: «Je tiens au label, au contrôle. Cela a un coût mais ça permet surtout de lever des filous. C’est une preuve d’honnêteté par rapport au client et ça garantit un certain cahier des charges, une base que je trouve importante.» La Saponaire est un lieu totalement connecté à son environnement géographique, social et économique. Du sur-mesure en termes de service, mâtiné d’écologie. Une démarche globale. Le bois des étagères vient de Saint-Agnan-en-Vercors, une vannière du village à côté a réalisé les paniers en osier et le potier de Saint-Martin tourné les pots de faïence émaillée qui renferment la trentaine de produits en vrac de l’épicerie sèche. Produits sur lesquels une réduction de 10 % est appliquée quand le consommateur amène son contenant. Pour avoir les prix les plus bas possibles, Dominique propose des conditionnements en sac de 5 kilos, l’idéal pour le sucre à confiture. Idem pour les produits d’entretien, le shampoing et le gel-douche : « ça fait comme si on le prenait au bidon.» Elle «fait» aussi de la
vaisselle végétale biodégradable à la pièce. Une rareté appréciée des éco-festivals comme celui des Rencontres Brel de Saint-Pierre-de-Chartreuse.

 

 

 

 

La Saponaire s’est dotée, il y a deux ans, d’un site internet et d’une e-boutique. Ainsi, ses clients peuvent faire leurs courses en ligne, «un drive comme les grands», et retirer leurs achats à l’épicerie, durant les heures d’ouverture ou en dehors, et dans quatre points-relais dispersés à travers le Vercors, de Saint-Martin à Villard-de-Lans, en passant par La Chapelle et Pont-en-Royans : « Il y a des gens sur le plateau qui commandent et que je ne vois jamais. Leurs cagettes passent d’une voiture à l’autre grâce au système D.» Dominique livre également dans un rayon de neuf kilomètres autour de Saint-Martin «pour la modique somme de deux euros», précise-t-elle. Parmi sa clientèle figurent les colonies de vacances, les hôtels, les restaurants et les structures touristiques du secteur comme le café Brochier, à Saint-Julien. On peut aussi la retrouver chaque jeudi matin sur le marché de la Chapelle, « un truc parfois un peu dur», quand il s’agit d’affronter les tempêtes de neige qui, l’hiver, balaient le Vercors. Mais dix ans après, Dominique continue « à se faire plaisir tous les jours en venant bosser ». Une énergie communicative.

Son activité lui permet de vivre à l’année à Saint-Martin: «Le bénef’ est minable mais on a un cadre de vie qui n’appelle pas à la consommation et ici, on est un peu en vacances à l’année.» C’est là que cette quadra a construit son nid, au milieu d’un champ, une maison ossature bois «que tout le monde appelle la petite
maison dans la prairie»; un lieu où cohabitent chats, chien, lapins, oies, canards, poules et âne; un potager où Dominique mêle fleurs et légumes, «j’adore»; et des soirées copains / copines, piscine et restaurant chinois à Saint-Marcellin qui lui apportent un surplus d’oxygène.

 

 

La Saponaire
Place du Tilleul
26420 Saint-Martin-en-Vercors
Tél. 04 75 45 27 86
www.saponaire.fr

 

 

Retrouvez le portrait de Dominique Parein dans Vagabondage Bio en Drôme.